PAROLE D'EXPERT

 
 
 
 
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Le design à travers l'ingéniosité et l'adaptabilité 

Rencontre avec Baptiste Meyniel et Nicolas Verschaeve, commissaires de la dernière exposition 

"Aléas, pratiques de l'adaptation" au JAD

 
 
 
 

Baptiste Meyniel et Nicolas Verschaeve, designers et commissaires de l'exposition "Aléas, pratiques de l'adaptation" au JAD, reviennent sur leur rencontre et leurs parcours professionnels parallèles. De leurs expériences autour du verre, au CIAV et au CIRVA, à leur participation à l'Académie des savoir-faire de la Fondation Hermès, ils nourrissent une réflexion commune sur la posture du designer. Une posture marquée par la capacité à s'adapter, à lâcher prise et à composer avec l'inattendu.

 
 
 
 
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Baptiste Meyniel et Nicolas Verschaeve portrait © Clara Chevrier | JAD

 
 
 
 
 

Vous êtes tous les deux designers et enseignants. Pouvez-vous nous parler de votre rencontre ? 

 

Baptiste Meyniel : Nous nous sommes rencontrés assez vite après nos diplômes respectifs, que nous avons effectués dans deux écoles différentes. Nicolas a fait les Arts Décoratifs de Paris en section design d'objet tandis que j'ai fait l'ENSCI - les Ateliers en Création Industrielle. Alors que nous connaissions déjà chacun nos pratiques respectives, nous avons participé à une formation qui a été une occasion de mettre un visage sur des travaux. Nous nous sommes rapidement très bien entendus, je pense qu'on partageait déjà un certain nombre d'intérêts communs. Il se trouve que cette période coïncidait également pour tous les deux avec le début d'un projet sur le verre : Nicolas débutait sa résidence au CIAV à Meisenthal et moi je commençais une résidence au CIRVA à Marseille. Notre rencontre a été concomitante avec le fait que nous travaillions un même matériau mais dans des contextes différents. Plus tard nous nous sommes d'ailleurs retrouvés dans le programme de l'Académie des savoir-faire sur le verre porté par la Fondation d'entreprise Hermès.

 

Le JAD représente cette idée de dialogue, de collaboration entre plusieurs champs de la création, notamment ceux des métiers d'art et du design. Baptiste, tu y as ton atelier depuis deux ans. Cet aspect de ta pratique apparaît évident et s'est notamment manifesté au travers de collaborations comme celles avec le CIRVA, Benoit Coulpier, et plus récemment avec Marie Levoyet, également installée au JAD. Nicolas à quoi cela fait-il écho pour toi, dans la compréhension du design qui est la tienne ?

 

Nicolas Verschaeve : Lors de mon année de diplôme, j'ai mis en place un dispositif qui était une réponse à un inconfort de ma part dans la manière d'exercer la pratique, voire presque à une impossibilité d'exercer. J'ai appris à l'école à penser les projets depuis mon bureau, depuis mon atelier, souvent à distance des lieux où la matière prend forme, des entreprises, qu'elles soient artisanales ou industrielles, à distance des contextes desquels provient la matière, etc. En réaction à cela, j'ai mis en place un bureau de design mobile qui était relativement élémentaire, aménagé dans un véhicule et qui me permettait d'aller travailler en immersion sur des temporalités plus ou moins longues dans les ateliers de fabrication. C'est un dispositif qui m'accompagne encore aujourd'hui ponctuellement sur des formats de résidence et des formats de recherche qui s'établissent de manière très située. Je dirais que cette question de la collaboration, en tout cas de la conversation, de l'échange permanent est centrale dans mon travail, qu'elle est une condition même au projet. Elle s'engage autant avec les matériaux et avec les personnes qui les transforment, qu'en dehors des ateliers à l'échelle du territoire. Il s'agit de composer avec ce qui déborde des objets, ce qui conditionne leur émergence et qui participe indirectement à leur dessin, à leur statut dans le réel; des paramètres géographiques, culturels, historiques aussi bien qu'économiques ou politiques.

 
 
 
 

Vous assurez le commissariat de l'exposition « Aléas, pratiques de l'adaptation » dont le sujet est le fruit de longues discussions communes et réflexions sur la posture du créateur. Comment cette idée d'exposition a-t-elle émergé ?

 

BM : C'est suite à de nombreuses discussions ensemble et à l'opportunité d'investir la galerie du JAD. Il faut rappeler également qu'avec Nicolas nous sommes pris dans des questions pédagogiques, en enseignant chacun dans des écoles différentes. C'est un endroit où se pose la question de la transmission de notre discipline, du design. Il y a des notions dont on entend parler moins souvent et qui sont pourtant cruciales et essentielles telles que le rapport à l'intuition et à l'adaptabilité. Il s'agit de compétences et d'attitudes qui doivent naître chez les designers et qui s'acquièrent dans l'expérience. Il se trouve que l'exposition repose sur la volonté de mettre le doigt sur ces notions.

 

NV : Ce sont des questions qui nous paraissent fondamentales dans la manière dont nous approchons des projets et la pratique au sens large. Ce ne sont pas forcément les choses qui sont les plus simples à dire, les plus simples à transmettre et dont il est le plus simple de parler. L'objet qui parfois est suffisamment éloquent pour s'incarner lui-même, avec son propre vocabulaire. Un vocabulaire, qui dit avec des formes, avec des usages, avec des fonctions. Au fil de nos nombreux échanges, est apparue l'envie de faire exister ces questionnements et ces notions-là autrement que par le projet lui-même ou par l'objet lui-même.

 

Cette exposition est en quelque sorte une chambre d'écho à ces notions-là, que l'on essaye de rendre intelligibles en réunissant le travail d'autres personnes. En parlant d'attitude, comment définiriez-vous ces postures de l'adaptation, ces notions d'aléas ?

 

NV : Ce qui est intéressant de souligner ou de résumer, c'est ce que raconte le titre de l'exposition. C'est d'abord l'aléa qui mène à des pratiques d'adaptation. Et cet « aléa » qui peut avoir une connotation plutôt négative, pessimiste, nous l'envisageons plutôt comme un ensemble d'opportunités de reconfigurations ou de paramètres avec lesquels il peut être pertinent de composer. Par ailleurs, il est aussi d'une forme de nécessité, dans un monde en constante transformation de ne pas obstruer ou de ne pas masquer les aléas, mais de les accepter et de composer avec pour cultiver une forme d'adaptabilité.

 

BM : C'est en quelque sorte une ode à l'adaptabilité. Depuis plusieurs années, nous voyons émerger des méthodologies en design qui seraient prêtes à l'emploi. Ce à quoi Nicolas et moi ne croyons pas du tout. Il nous semble nécessaire de savoir aussi lâcher prise : d'être à l'écoute de contextes ou de potentialités qui sont en présence, d'accepter que les choses ne soient pas prédéterminées à l'avance. En étant dans l'observation et dans l'écoute d'un certain nombre de choses, on peut être d'autant plus juste dans la manière de penser le projet, dans la manière de dessiner des objets, dans la manière de les faire exister.

 

NV : Oui, comment on partage ? Comment on révèle ? Comment on valorise et comment on donne de l'importance à ces attitudes ? Pour prolonger ce que dit Baptiste, on peut résumer cette manière d'être au monde par des attitudes qui témoignent d'une forme de disponibilité à ce qui environne l'individu, le designer, l'artisan et le projet.

Nous valorisons cette grande capacité des créateurs à se rendre disponibles, à rester perméables à ce qui les entoure, cette attitude qui consiste à ne pas avancer avec des idées préconçues et réponses prédeterminées. La transformation fait partie du projet, il faut accepter de se laisser transformer et accepter que le projet se transforme.

 

Au sein de l'exposition, vous présentez de nombreuses démarches de créateurs. Comment cette recherche curatoriale vous a-t-elle permis d'appliquer cette posture de l'adaptation - propre à la posture du designer - à l'univers de l'artisanat d'art ?

 

BM : Cela renvoie à plusieurs questions qu'on se posait avec Nicolas. Cette exposition vient également du fait que nous sommes entourés de designers pour lesquels nous avons une profonde estime du travail et que nous souhaitions mettre en avant lors de cette exposition. Ce projet curatorial est donc d'abord une observation des attitudes autour de nous qu'on trouve intéressantes. Pour l'artisan et peut être plus spécifiquement les métiers d'art,  se pose la question de la maîtrise technique. Le lâcher prise n'est pas forcément évident parce qu'il y a une telle maîtrise du savoir-faire au sein de ces métiers, que la notion d'imprévu n'est pas forcément celle qui ressort au sein du projet. Mais il se trouve qu'il y a aussi des attitudes d'artisans qui correspondent complètement à ce qu'on voulait mettre en évidence.

 

NV : L'artisanat (d'art) se définit par une forme de prouesse technique. La reconnaissance d'un bon artisan tient souvent à sa capacité à aller loin dans la technique, on juge un Compagnon du devoir à sa capacité à livrer ce qu'on appelle un chef d'œuvre à la fin de sa formation. Paradoxalement, ce n'est pas tant ça qui nous intéresse, ce n'est pas tant l'effort, le temps de travail qui est visible dans la pièce et qui va donner de la valeur à l'intention. C'est plutôt ce qu'évoquait Baptiste juste avant : la capacité de l'artisan comme du designer, à composer à un moment donné du projet avec une forme de lâcher prise, à se laisser surprendre par l'inattendu et à l'accepter dans le projet voire à l'entretenir. Dans les projets que nous avons sélectionnés, ce sont les pistes ouvertes par des accidents au cours du processus que nous mettons en avant. Par exemple, des cas où l'artisan accepte qu'à un moment de la fabrication un imprévu puisse ouvrir une voie de recherche. Où l'artisan va ensuite s'employer à le maîtriser dans une certaine mesure pour dialoguer avec cet accident cette forme d'aléas qui va constituer le cœur du projet.

 

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Aléas, pratiques de l'adaptation © Maxime Meignen

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Jusqu'au 3 août 2025, découvrez l'exposition "Aléas, pratiques de l'adaptation"

Un panorama de démarches de création qui dialoguent avec l'imprévu

 

Les designers Baptiste Meyniel et Nicolas Verschaeve investissent la galerie du JAD et y présentent Aléas, pratiques de l'adaptation, une exposition qui explore les multiples façons dont designers et artisans d'art composent avec des contraintes qu'elles soient matérielles, techniques ou météorologiques. Dans chacun des projets exposés s'incarne une forme de lâcher-prise vertueuse, par la capacité de leurs auteurs à s'adapter à leurs environnements, aux contextes de production ou de mise en usage.

 

JAD - Jardin des métiers d'Art et du Design

6 Grande Rue 92310 Sèvres

 

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